Ce n'est pas si souvent que l'électronica accouche de concepts-albums. Celui de Geeez N' Gosh (non, je ne sais pas comment ça se prononce, foutez-moi la paix !) mérite d'autant plus le détour qu'il est assez inattendu ! Derrière ce borborygme se cache Atom, un jeune Chilien qui a eu la bonne idée de signer son disque sur l'excellent label allemand Mille Plateaux. "My Life with Jesus", on l'aura compris, tourne autour du célèbre personnage mort en 33 après lui-même et dont vous avez fêté récemment le deux mille et unième anniversaire près d'un arbre coupé et couvert de cochonneries en plastique, tout en vous empiffrant de mets graisseux et de sucreries glacées, et en vous donnant mutuellement un tas de gadgets d'un goût douteux que l'Enfant-Saint n'aurait même pas imaginé, couché dans du foin malpropre et cerné qu'il était par une ménagerie puante et trois sires même pas tristes venu offrir tout un tas de verroteries inutiles, si l'on excepte le pot à caca avec de l'huile dedans.
Donc, disais-je avant de m'interrompre grossièrement, si vous avez fêté l'avènement de Jésus en faisant prospérer les Marchands du Temple, c'est donc que nous sommes entre bons Chrétiens et que vous pouvez poursuivre la lecture de cette chronique sans risquer l'anathème.
"My Life with Jesus" regorge de titres évocateurs ("Salvation", "Calling Jesus", "Talk with God", "I believe in Jesus", etc...) et propose huit morceaux axés autour de samples de gospel ou de chants liturgiques. Là s'arrête le côté spirituel de l'affaire... Atom traite ses séquenceurs comme s'il s'agissait de marteaux-piqueurs. Beats glacés et martiaux, inhumains et robotiques, animent avec dérision et humour noir les voix passionnées des prédicateurs lyriques, des mémères en transe, des pucelles diaphanes des JMJ, dont les chants célestes sont impitoyablement malmenés et soumis aux caprices de la machine. Pourtant on aurait pu attendre un peu plus de folie et un peu plus de richesse mélodique tout au long de ce bulldozer électronique qui, avouons-le, manque un peu de grâce divine. Mais après tout, n'est-il pas dans la nature des blasphèmes d'être un peu balourds et terre-à-terre ?
Mario